La Commune en 1900
  The Commune in 1900






La Cour de César ?

Saint-Thomas-de-Courceriers, à la limite des deux Maines


A l'occasion de la mise en ligne par les Archives départementales de centaines de monographies
consacrées aux communes du département, le Courrier de la Mayenne esquisse le visage de votre
localité au début du siècle dernier.





« Eloignée de toute ville importante, privée de moyens de communication rapide, à 28 km de Mayenne, à 52 de Laval, à 40 d 'Alençon, 60 du Mans et 220 de Paris », l'instituteur qui signe L.H. Duval, décrit en fait très plaisamment la commune.

« Le froid n'y est jamais très rigoureux, il ne descend guère en dessous de -15°. La chaleur n'y est non plus jamais excessive. Pendant le brûlant été de l'année dernière, le thermomètre ne s'y est pas élevé, à l'ombre, au-dessus de 30° ».

Au chapitre des cultures, M. l'instituteur devient gourmand, et rappelle que « le sarrasin était autrefois presque l 'unique céréale de la ferme ( ... ), détrôné par le blé, sa farine sert à faire de la bouillie et des galettes très estimées ( ... ) c'est un vrai régal pour tous, quand, dans la ferme, la ménagère délaye avec la farine du sarrasin, un peu de farine de blé et des oeufs, et qu'elle étend en feuilles minces sur le galettoire la pâte qui, sous un feu savamment réglé, sortira dorée et croustillante ». Après avoir énuméré toutes les tubercules et racines cultivées, « parmi les plantes industrielles, la seule que l'on rencontre est le chanvre dont on retire la filasse. Malgré les primes accordées par le gouvernement pour soutenir la production nationale en face de la concurrence étrangère, la culture de cette plante textile, très coûteuse et peu rémunératrice -, est en décroissance et menace de disparaitre ».

Très déçu par la qualité du cidre, M. l'instituteur est très admiratif des "bons et beaux produits animaux de Saint-Thomas" : « le boeuf est aujourd'hui uniquement destiné à la boucherie. Le boeuf de travail a disparu du pays depuis 70 ans environ. On engraisse environ 30 boeufs par an. On compte 150 vaches laitières produisant chaque année une moyenne de 90 à 100 veaux. Le jeune veau est vendu pour la boucherie vers l'âge de 5 à 6 semaines. ( ... ).

Le lait sert à fabriquer du fromage consommé sur place et du beurre qui fait l'objet d 'un assez grand commerce.  ( ... ) ».

Sachant que le mouton s'est bien acclimaté à la sécheresse du sol, on compte 200 brebis, une centaine de porcs mais pas de truies car « on fait venir la majeure partie des jeunes pourceaux du Craonnais. On ne rencontre ni chèvres, ni ânes mais la basse-cour est remplie de volailles. Les poules se comptent par milliers ; les oies et les canards par centaines. Les oeufs et les volailles el/es-mêmes sont exportés ».

N'oublions pas les chevaux : « des chevaux de trait à forte encolure, large poitrail, croupe puissante ( ... ) il éxiste nuellement une moyenne de 224 chevaux, juments ou mules ( ... ). Le nombre des juments est bien supérieur à celui des chevaux. On élève en moyenne 50 poulains par an : les mâles sont tous vendus vers l 'âge de un à deux ans ; une partie des femelles est conservée pour le service de la ferme ».

De l'industrie qu'il dit "presque nulle", il retient « un moulin asez important avec deux paires de meules, le moulin de Courceriers. Il suffit à fou mir de farine une grande partie des habitants : il travaille aussi pour l'exportation, et, pendant la saison d 'été, alors que la plupart des petits moulins de la région sont arrêtés par le manque d 'eau, Courceriers, grâce à son i nfatigable Vaude/le et à l 'é tang, ne connaït pas le chômage ».

L'industrie du vêtement n'occupe que très peu d'ouvrier: « quelques vieilles fileuses bien rares aujourd'hui, tordent encore en fils solides le chanvre et la laine. Mais la machine a tué le rouet que les jeunes femmes d'à présent ne savent plus faire tourner. Il est des gens qui le regrettent et prétendent, avec quelques raisons, que la toile était souvent aussi fine et toujours plus résistante et de meilleure qualité. Deux tisserands font encore manoeuvrer dans leurs vieux métiers, la navette au travers de la trame. Jadis, à un kilomètre du bourg, un moulin à foulon transformait la laine en serge solide. Et, c 'est avec cette serge que l 'on confectionnait ces vestons courts, ces pantalons et ces robes à l 'étoffe grossière, mais inusable. ( ... ) ». Puis M. l'instituteur en vient aux origines légendaires de la commune :

« Blotti dans un des replis du versant oriental de la chaine des Coëvrons, St-Thomas-de-Courceriers est une peti te commune de 744 habitants. Mais il n'est si petit peuple qui ne soit fier de ses origines et ne se plaise à les omer de quelque touchante, glorieuse ou terrible légende ( ... ) Courceriers, - la cour de César (Curia Cesaris) - serait heureux de fixer un rayon de la gloire du conquérant des Gaules sur son berceau. Il y a une trentaine d'années ; dans la salle principale du château, au-dessus d 'une vaste et belle cheminée en pierre de granit sculpté, on voyait une fresque ancienne, aujourd'hui détruite représentant César sur un char de triomphe, le sceptre à la main et environné d'une foule de personnages humblement prosternés. Au bas, cette inscription : Le grand J. César, empereur des Romains (sic), fit bas tir ce chasteau pour tenir sous sa main le pays de çà, p lusieurs fois révolté, des forces de ce lieu les a toujours domptés, 1604. Mais il ne faut voir là sans doute autre chose qu'une fantaisie de gentilhomme » conclut notre docte instituteur qui poursuit :

François du Plessis de Châtillon, seigneur de Courceriers, au retour d'un voyage en Italie, encore tout ébloui des magnificences de l 'art italien du seizième siècle, entreprit de reconstruire son château détruit par les Anglais. Appuyé des données d'une tradition très incertaine,.se fondant sur le sens étymologique du mot Courceriers - jadis Courcesiers - il y fit exécuter cette peinture, oeuvre d 'art destinée surtout dans sa pensée à flatter son amour-propre en rehaussant l'éclat de son blason. Le voisinage de Courcité, - la cité de César - la commune soeur de Courceriers, a contribué d 'autre part à entretenir cette croyance qui en réalité ne repose sur aucun fondement authentique ».

« Il est permis toutefois de supposer, sans preuve, que Courceriers fut le siège d'une juridiction impériale sous les Antonins ». (Ch. d 'Achon)

Françoise Nouar
d'après L. H. Duval
"Far away from any major city, lacking any rapid means of communication, 28 km from Mayenne, 52 from Laval, 40 from Alençon, 60 from Le Mans and 220 from Paris" schoolmaster LH Duval described it as a very pleasant commune.

"The cold is never very harsh, it hardly ever drops below -15°. The heat there is also never excessive. During the hot summer of last year, the temperature was not high, never above 30° in the shade,"

In the chapter on farming, the schoolmaster becomes a gourmet and recalls that "buckwheat, once virtually the only cereal on the farm (...), ousted by wheat, its flour used to make porridge and highly regarded galettes (...) it's a real treat for all when the farmer's wife mixes with buckwheat flour a little wheat flour and eggs, and spreads thin sheets of the dough on the galettoire which, over a carefully controlled fire come out golden and crisp".

After listing all the cultivated tubers and roots, "among the commercial crops, the only one encountered is hemp, for extracting the fibers. Despite the incentives given by the government to support domestic production in the face of foreign competition, the cultivation of this textile plant is very expensive but not very profitable so is shrinking and at risk of disappearing".






Le chiffre

1004 habitants en 1838

Plus que 744 en 1896 et 230 en 2009. M. l'instituteur avait déjà noté que le chiffre de la population variait souvent. « Cette dépopulation rapide a des causes multiples, analyse t'il, parmi lesquelles il dénonce la vanité des parents qui veulent pour leurs enfants des positions supérieures, est fière de contempler ces rejetons déguisés en citadins ou en "bourgeois". L'école aura beau, par tous les moyens combattre ces erreurs ; tant que l'on aura pas réformé les moeurs dans la famille et la société, ce sera oeuvre vaine. L'attrait des plaisirs, du travail facile aura trop souvent raison des caractères faibles, et les esprits fermes n'y résistent pas toujours eux-mêmes ».
Population Numbers

1,004 in habitants in 1838

More than 744 in 1896 and 230 in 2009. Our schoolmaster had already noted that the population figure often varied. "This rapid depopulation has many causes, analyse it, among which he denounced the vanity of parents who want their children to higher positions, is proud to contemplate these offspring disguised as citizens or "bourgeois". The school has beautiful, by all means fight these errors; As we will not reform the morals in the family and society, this work will be in vain. The lure of pleasure, the easy work has too often because of low character and the strongest minds are not always resist themselves".



 Esprit bas-manceau

« En lutte continuelle contre mille ennemis invisibles, exposé à toutes les surprises (accidents, maladies, etc), il garde dans son caractère un mélange curieux de douceur obstinée et d'indifférence, de résignation et de naïve bonhomie plus apparente que réelle, car elle recouvre souvent une nature gaillarde, spirituelle et moqueuse qui fait le fond de l'esprit bas-manceau. Cet ancien serf de la glèbe a conservé à l'égard du "maitre", un sentiment de respect, d'obséquiosité qui tient beaucoup plus de la finesse, de la ruse, que de la servilité. Au fond, il est sérieusement jaloux de son indépendance agricole : il redoute le voisinage du propriétaire (... ) aussi le métayage n'a t'il pu s'acclimater chez lui ».
The Spirit of Lower Le Mans

"In continuous struggle against thousands of invisible enemies, exposed to all the surprises (accidents, illness, etc.), their character is a curious mixture of stubborn contentment and indifference, resignation and naive good nature, more apparent than real, since it often covers a sprightly, witty and mocking nature that defines the basis of the lower Le Mans mindset. These erstwhile serfs of the soil have retained their regard for "The Master", a sentiment of respect and obsequiousness that has a lot more subtlety and cunning than servility. In reality they are seriously protective of their agricultural independence : they respect the proximity of the landlord (...) also the tenant farming system they are acclimatised to".





© Le Courrier de la Mayenne 16 août 2012